En matière de coopération internationale, la naissance d’une institution spécialisée comme l’Organisation des communications de l’Afrique de l’Est (EACO) est le fruit de la constitution d’un traité signé par les parties qui lui confère les compétences et les moyens limités dans le domaine spécifique dont elle a été créée. Animés par l’idée de mutualiser les efforts en vue de promouvoir les communications dans les pays membres de l’EACO en l’occurrence le Burundi, la Tanzanie, la République Démocratique du Congo, le Kenya, le Sud Soudan, l’Ouganda et le Rwanda, les régulateurs de ces pays ont adopté une approche importante qui répond au besoin de la transformation numérique régionale qui s’impose aujourd’hui comme moteur de croissance économique des nations. Développer des services de communications rapides, sécurisés, abordables et efficients dans la région est-africaine est un pas important vers le développement des communautés de cette partie de l’Afrique.
Toutefois, il y a lieu de s’interroger si l’EACO parvient-elle à satisfaire aux attentes des bénéficiaires de ses services en tant qu’institution spécialisée. En effet, l’initiative de création de l’Organisation des communications de l’Afrique de l’Est (OCAE) regroupant les régulateurs des pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et les opérateurs du domaine des télécommunications, poste et radiodiffusion date de 2000. En 2012 elle a obtenu son agrément par le gouvernement rwandais avec un statut diplomatique légal. Le renforcement et la promotion de la coopération des pays membres de cette organisation à travers le développement et la provision de services des télécommunications, postes et radiodiffusion est sa mission principale. Elle rassemble les régulateurs des télécommunications nationaux et les opérateurs du domaine en vue de coordonner le développement du secteur des communications par l’harmonisation des politiques et le cadre réglementaire en vue de pouvoir garantir la transformation digitale de la sous-région.
Base d’une solide fondation
Le processus d’exécution de ses activités se heurte parfois à la non maîtrise de la nature institutionnelle de sa spécialisation. Pour mieux opérer certaines réalités doivent être mises en évidence. L’appropriation d’une planification stratégique d’activité qui définit la vision, mission et objectifs ne sera pas la seule pour autant. En plus de la planification stratégique des activités, il faut définir les partenaires clés qui sont chaque fois associés dans la planification et l’exécution des activités. Il faut s’assurer de la fondation solide de l’EACO. Elle doit être bâtie sur des pierres angulaires et référentielles solides. Elle doit développer une feuille de route avec ses partenaires clés. Elle doit s’assurer d’une réallocation de ressources humaines qui répond aux besoins récurrents des activités à réaliser. L’EACO n’est pas excusable quant à son manque d’expertise technique au niveau des groupes de travail. Elle n’est pas non plus excusable quant à son instabilité financière ni à son inadéquation de structure organisationnelle, encore moins son manque de visibilité de marque. Cela est le résultat d’une faible gestion ou d’une incompétence de leadership. Il faut s’assurer de l’exécution du plan stratégique d’activités accompagnée de l’évaluation à base d’indicateurs préalablement définis.
Le tableau suivant sert de relevé du niveau de pénétration de certains produits dans les pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
Pays | Taux de pénétration Internet | Taux de pénétration du téléphone mobile | Taux de pénétration des médias sociaux |
Burundi | 12.5 | 56.6 | 7.7 |
Tanzanie | 29.1 | 114 | 9.7 |
République Démocratique du Congo | 30.6 | 54.3 | 6.6 |
Kenya | 48 | 121 | 26.5 |
Sud Soudan | – | – | – |
Uganda | 28.0 | 76.2 | 4.7 |
Rwanda | 342 | 92.0 | 9.0 |
Sources: https://www.datareportal.com
Institution spécialisée en télécommunications de l’EAC
L’EACO semble avoir une faiblesse quant à son mandat légal. Ses décisions n’ont pas de force exécutoire sur le terrain. Cela se comprend dans la mesure où en matière de coopération internationale, chaque entité créée est souvent limitée par le principe qui précise qu’une organisation internationale n’intervienne que dans le domaine dont elle a été créée avec les moyens lui accordés. C’est la constitution du traité qui lui donne sa compétence et les moyens. En principe, la loi internationale ne reconnaît pas la situation de l’absence de force exécutoire.
Cependant, à l’absence d’une autorité publique au-dessus des Etats, la compétence de force exécutoire peut être conférée par un organe interne des Etats concernés et la force exécutoire peut être prononcée par une cour relevant des pays concernés. Pour le cas de l’EACO cela ne pourra se réaliser que dans le cadre de coopération entre les Etats membres de l’EAC. De ce fait, cette situation devrait accélérer l’adoption de l’EACO comme institution spécialisée en télécommunications de l’EAC pour lui permettre d’exécuter pleinement ses projets de développement des communications dans l’Afrique de l’Est.
Une chose est sûre, la vision de l’EAC s’inspire aussi des Objectifs de développement durable, ODD, qui préconisent notamment le : « Ne laisser personne pour compte ». Cela signifie que tout le monde : gouvernés et gouvernants ; employés et employeurs ; anciens et nouveaux ; petits et grands ; hommes et femmes ; filles et garçons ; jeunes et vieux ; salariés et non-salariés ; urbains et ruraux désormais cheminer ensemble dans une économie intégrée des pays de l’Afrique de l’Est. Dès lors il faut une mobilisation des ressources et l’appropriation de l’EACO par les différents acteurs du développement des pays de l’Afrique de l’Est. Il s’agit d’une organisation, à l’image de l’Union internationale des télécommunications pour le compte des Nations unies et à celle de l’Union Africaine des télécommunications pour le compte de l’Union africaine, qui servira d’instrument de base pour le développement des télécommunications pour tous les acteurs de développement au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est tant aux niveaux national, régional et international.
Si aujourd’hui les régulateurs des télécommunications des pays de l’Afrique de l’Est se sont mis ensemble pour conjuguer leurs efforts pour développer les télécommunications dans une approche globale, cette initiative ne pourra être effective à sa vision, missions et objectifs fixés que lorsque la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) adoptera cette organisation comme son outil dédié au développement des télécommunications dans la sous-région. L’adoption de l’EACO comme une institution spécialisée en télécommunications de l’EAC à l’image de l’Union internationale des télécommunications pour le compte des Nations unies et à celle de l’Union africaine des télécommunications pour le compte de l’Union africaine déterminera la volonté politique des Chefs d’Etats membres de l’EAC de rendre plus numérique cette entité sous régionale et garantir à l’EACO les compétences et le moyens nécessaires pour sa noble mission.
Le Conseil des ministres de l’EAC devrait statuer sur l’adoption de l’EACO comme organisation spécialisée en télécommunications de l’EAC pour faire avancer les grands projets à exécuter en faveur du développement des télécommunications dans la région est-africaine.